Baignade sous le Couchant...

La journée avait été absolument magnifique, dans le pays encore si jeune, mais déjà empli de secrets et de mystères, qu'était le Surda, bases-même de la résistance entre les peuples libres et Galbatorix, et le soleil commençait lentement à décliner, après avoir terminée sa longue course céleste quotidienne à travers les cieux d'azur où il régnait en compagnie des oiseaux, disparaissant petit à petit derrière les montagnes de l'Ouest qui masquaient la ligne d'horizon, la lumière de ses rayons dorés et chauds baissant petit à petit. Bientôt, alors que la grande boule de feu se serait totalement couchée dans son nid de l'infinie, elle laissera leur place légitime à une multitude de magnifiques étoiles, réunies en constellations, qui observeraient les mortels depuis leur perchoirs sombres et sembleraient rires de simplicité, de leur taille ridicule comparé au reste de l'univers. Et le monde serait alors dominé par l'oeil géant d'une pleine-lune aussi ronde et brillante que le cratère d'un volcan. Déjà, les animaux qui vivaient durant les temps de lumière couraient chacun de leur coté, regagnant leur terrier, leur nid, leur caverne, ou tout simplement se cherchant un abri confortable et sûr pour passer la nuit, afin de replonger dans le monde de leurs songes, un monde qui n'appartenait qu'à eux-seul, et qui était le plus souvent merveilleux, un monde où absolument tout ce qu'ils désiraient pouvaient leur arriver, ou alors, au contraire, où il pouvait leur arriver les pires mésaventures à travers leurs cauchemars. Au même moment, bien qu'on ne puisse pas encore les observer, les autres petites bêtes qui elles, n'appréciaient pas les rayons chauds et aveuglants du soleil, et préférés ceux plus frais de sa soeur d'argent, commençait doucement à passer les portes de leur propre monde du sommeil, car ils savaient que bientôt, ils pourraient reprendre ceux qu'ils appelaient leur propre "quotidien", un quotidien fait de rencontres, de combats, de chasses,... d'amour. Cependant, malgré l'heure qui commençait tout doucement, mais surement, à se faire tardive, toutes les créatures qui dormaient durant la période nocturne du monde fantastique à travers lequel nous vivions n'étaient pas encore décidées à se laisser emporter par le marchant de sable, ils n'étaient pas encore décidé à regagner le lit et à demander à leur univers conçu par leurs rêves de leur ouvrir sa porte. Si on faisait un petit tour en direction des eaux claires de la plage, près de Reavstone, par exemple, il était possible de voir la preuve de ce que j'avançait...
Raxia, une encore très jeune et majestueuse dragonne, aux écailles aussi rouges et resplendissantes que des rubis, faisait partie de ceux qui n'était pas du tout fatiguée, bien qu'elle soit une dragonne diurne, et pour tuer le temps, elle avait demandée à Esbrouffe, son dragonnier, de l’emmener dans un endroit où elle pourrait se baigner, et il l'accompagna jusqu'à cette plage où elle se fit un petit plongeon. Ça faisait environ une bonne trentaine de minutes qu'elle s'était submergeait, et qu'elle sprintait entre les algues et les rochers que le contact du milieu aquatique et des courant avait au fil des années remodelé pour leurs donner des formes rigolote, mais auxquelles il valait mieux éviter de trop se frotter, car elles pouvaient êtres parfois tranchantes et assez dangereuse. Non, ne vous inquiétait pas, si vous songiez à ça : elle ne manquait absolument pas de souffle et ne risquait pas de se noyer. Il ne fallait pas oublier que les lézards géants cracheurs de feu de sa race restaient malgré tout des reptiles, et de ce fait, ils étaient capables de retenir leur souffle assez longtemps, que ce soit à l'air libre comme en milieu marin. Ses écailles étaient doucement caressaient par les flots salés et son sang reptillien protestait légèrement sous le contact qu'il ne trouvait pas très agréable du liquide trop frais à son gout. Mais la flammèche, qui n'était pas encore assez grande pour lui permettre de lancer son souffle mortel, mais suffisamment pour lui permettre de régulariser la température de son corps, qui ronflait à l'intérieur de son ventre rétablissait l'équilibre et lui permettait de profitait de cette douce baignade sans risquer l'hypothermie. Utilisant ses pattes pour se propulser et sa queue tel un gouvernail pour se diriger, à la façon de ses très lointain cousins, les crocodiliens, elle s'enfonçait de plus en plus dans les profondeurs sombres de la mer et y évoluait sans rencontrer le moindre obstacle, la moindre résistance assez puissante pour repousser un dragon. De temps en temps, un petit poisson, noir, rouge, vert, bleu, ou même parfois de plusieurs couleurs différentes, avait l'imprudence de s'approcher d'elle d'un peu trop près, se demandant sans doute quel était ce drôle de monstre qui n'avait il semblait rien à voir avec leur monde humide de silence et qui pourtant nageait sans difficulté sur leur territoire... la chasseuse pourpre en profitait à chaque fois pour se remplir petit à petit la pense, même si ce n'était pour elle que des amuses-bouches, et l'animal marin n'avait jamais ni le temps d'avoir sa réponse, ni même le temps de comprendre qu'il était mort, alors qu'il disparaissait dans un sec et vif claquement de mâchoires. Trois petites bulles s'échappèrent de ses naseaux refermés par une membrane de peau naturelle, qui était censée la protéger contre l'eau qui s'infiltrait à l'intérieur de ses voies respiratoires. Elle comprit rapidement que c'était le signe, avec le petit picotement qu'elle avait au ventre, que ça y était, elle commençait un peu à manquer d'air et qu'il était temps de remonter. Elle déplia alors ses deux longues et larges ailes, membraneuses comme celles d'une chauve-souris, et battit puissamment comme elle l'aurait faite si elle s'était retrouvée dans les airs, ou si il s'était s'agit d'ailerons, remontant en chandelle à la même vitesse qu'une flèche d'elfe accompagnée par le vent, quittant les fonds marins que peu de personne avaient déjà réussis à visiter.
La façon de jaillir ainsi de l'eau de la dragonne n'était pas sans rappeler quelques anciennes légendes qui planaient au dessus de ce pays mythique, parlant de monstres aquatiques légendaires qui guettent les voyageurs égarés, ne faisant dépasser des eaux que son longs coup écailleux et sa tête de reptile, tel un serpent géant. Lorsque cette infime partie d'elle-même se retrouva à l'air libre, alors que le reste son corps restait submergé et l'aidait à maintenir son visage hors de la mer, semblant émerger d'une explosion de gerbes aquatiques, le premier reflex de la dragonne fut de faire survoler ses yeux, semblables à deux gros morceaux d'ambres posés là, d'un bout à l'autre de la plage qui se trouvait à sa droite, à la recherche de son âme-jumelle qui l'avait accompagnée jusqu'ici. Elle ne tarda pas à repérer Esbrouffe, qui l'attendait installé sur la plage. Avec une lenteur calculée, elle se mit à nager dans sa direction, créant autour d'elle de mini-vaguelette qui semblaient fuir le passage de la puissante chasseresse écarlate pour partir s'écraser contre les rochers ou disparaître vers le centre sombre et infini de l'océan. Les quelques derniers rayons du couché de soleil vinrent frapper ses écailles, lui chauffant la nuque agréablement et faisant naître autour d'elle une lumière sanguine et différents effets d'optiques. La lumière n'était pas vraiment très forte, mais pour tout dire, elle s'en fichait, parce que même s'il avait fait nuit noire, son regard aux pupilles verticales, tel celles des chats, était capable de percer les ténèbres, et elle serait capable d'y voir comme en plein jour alors que d'autres créatures n'y verraient pas plus loin que le bout de leur museau. Lorsqu'elle arriva enfin là où elle avait patte, Rexia continua le chemin en marchant, puis sortit de l'eau pour arriver près de l'humain de son coeur. Ses écailles humides accrochaient les grains de sables qui allaient surement restés collés à elle un bon moment... mais là, sur le coup, elle ne pensait pas vraiment à ça. Elle jeta un petit coup-d'oeil malicieux à Esbrouffe, à qui elle arrivait un peu en dessous du niveau des épaules... comme tous les dragons, Rexia grandissait assez vite, car il y avait à peine un moi de cela, elle n'était pas plus grande qu'un gros chat... puis s'ébroua un grand coup, faisant voleter de nombreuses gouttelettes d'eau fraîche autour d'elle, trempant son dragonnier à côté d'elle. Une fois son petit méfait accompli, elle se laissa tomber sur le côté et roula sur le dot, observant le deux-pattes la tête en bas, et continuant à rire...

Oups...

pensa-t-elle, et à travers sa pensée, elle communiqua ce même mot à l'esprit de son dragonnier, d'un ton plein de mauvaise fois

... je suis désolée

Les insurgés ayant eu le courage de se dresser contre la tyrannie impériale avaient vraiment choisi le plus bel endroit de l'Alagaësia pour établir ce qui allait être le nouveau pays des peuples libres. Toutes ces forêts, ces lacs, ces étendues verdoyantes à perte de vue... Le Surda aurait vraiment été le paradis sur Terre s'il n'était pas constamment dans l'ombre de la menace d'un assaut de l'Empire. Galbatorix n'allait certainement pas laisser un des territoires qu'il revendiquait échapper à son contrôle, de peur que d'autres suivent l'exemple des rebelles du Sud.
Tout cela annonçait des jours bien mouvementés, mais étrangement Rexia ne semblait pas s'en soucier.
La jeune dragonne était visiblement en train de s'amuser dans l'eau comme si c'était la première fois qu'elle en voyait, et restait parfois sous l'eau plusieurs dizaines de minutes. Esbrouffe aurait été mort d'inquiétude s'il n'avait pu sentir dans son esprit l'amusement de sa dragonne. Rexia avait grandi, et leur lien s'était peu à peu renforcé. Même s'il ne parvenait pas encore à savoir précisément où elle était, sauf ben sûr lorsqu'il apercevait au clair de lune une silhouette aux reflets rouges filer dans l'eau claire, mais il pouvait néanmoins sentir sa présence, sentir qu'elle était là, en bonne santé, et heureuse, ce qui suffisait à faire son bonheur et à agrémenter cette petite baignade même si lui ne préférait pas se mouiller.

Il avait encore du mal à réaliser tout ce que Rexia représentait dans le conflit qui allait se dérouler, et à vrai dire il ne préférait pas y penser. Elle était sa dragonne, et c'était tout ce qui comptait. Jamais il n'accepterait que leur relation soit utilisée comme une arme par l'une ou l'autre des parties.

Alors qu'il était perdu dans ses pensées, le dragonnier aperçu une forme rouge fendre l'eau dans sa direction et il senti dans son coeur Rexia approcher.
*Alors, tu t'es bien...*
Esbrouffe senti une pointe de malice dans l'oeil de sa dragonne à mesure qu'elle approchait de lui, et, voyant l'eau ruisseler encore sur ses écailles rouges, il ne lui fallu pas beaucoup de temps pour comprendre ce qu'elle avait en tête.
Le dragonnier ferma les yeux au moment où sa dragonne projeta aux alentours toute l'eau qu'elle avait encore sur elle.

"Mais..."
Esbrouffe eut un sourire amusé et s'approcha lentement de Rexia.
"Alors, tu es fière de toi ?"
Le dragonnier était ravi de constater que leur relation évoluait de jour en jour. Même s'ils ne s'étaient jamais, ou très peu, séparés depuis leur rencontre sur cette plage du Surda dont Esbrouffe se souvenait encore dans ses moindre détails, Rexia continuait de le surprendre par sa puissance, sa vitesse, son intelligence, et malgré tout elles semblait si insouciante... Le jeune homme ne put s'empêcher de contempler avec admiration les reflets rouges de ses écailles mouillées.
Et dire qu'elle n'était censée être qu'une jeune dragonne... Qu'en serait-il dans quelques années, quand elle aurait atteint le point culminant de sa puissance ? Esbrouffe avait bien peur de ne pas être à la hauteur.
"Dis, pourquoi est-ce que tu as voulu que ce soit moi ton dragonnier ?"

Rexia avait beau s'être excusée, ce n'était-là qu'une simple phrase de "politesse", qu'elle avait surtout placée pour ajouter une petite pointe d'ironie à son geste... mais très vite, tendis qu'elle regardait toujours un Esbrouffe maintenant tout aussi mouillé qu'elle, s'approcher de sa masse toujours couchée sur le dos, elle ne put s'empêcher d'éclater d'un grand rire tonitruant, un rire qui faisait toujours penser à celui de la dragonnette qu'elle avait été il y avait seulement quelques semaines plus tôt, et qui ressemblait un peu à un grognement, au raclement de plusieurs galets les uns contres les autres, un son qui sortait tout-droit de sa gorge qui vibrer, et qui retentissait à travers ses crocs derrière ses babines retroussés. Son âme-jumelle n'avait même pas eu le temps de finir de lui demander si elle s'était bien amusée, avant qu'elle ne lui fasse son petit coup en traître... mais au moins, ça devait un peu répondre à sa question : oui, elle s'était vraiment beaucoup amusée, et elle était même prête à continuer, si elle le pouvait.
Les vêtements d'Esbrouffe ruisselaient d'eau, et le deux-pattes demanda à sa dragonne si elle était fière d'elle. Celle-ci, l'observant toujours à l'envers, avec le haut du crane posé contre le sable, laissa échappée un dernier petit ricanement, avant de lui tirer sa langue rouge et fourchue, et de lui répondre...

Oui, très fière. Ça te donnera une bonne raison pour venir te baigner avec moi, la prochaine fois, mon petit-homme

Le surnom de "petit-homme" était un terme assez connu, parmi les dragons et leurs dragonniers. Les premiers appelaient souvent leur âme-jumelle ainsi, c'était un peu comme une marque d'affection, car ils étaient autant leur protégé que si ils étaient leurs propres petits... mais c'était également une petite façon de leur rappelé qui était le plus fort entre le chevaucheur et la monture. Rexia, cependant, n'utilisait pas forcément ce terme au meilleur moment, car elle était encore plus petite que son dragonnier... mais que voulez-vous, elle l'avait apprise seule, ce mot, grâce à la mémoire magique transmise par ses parents, car elle n'avait encore à ce jour rencontrée aucun autre dragon qui aurait pu lui faire une "éducation", et elle savait que ça se disait, mais elle ne savait pas vraiment quand ça se disait. Se qu'elle savait sur sa propre espèce, ce n'était hélas que son instinct qui le lui avait appris.

Rah, quelle idiote elle pouvait faire, parfois ! Elle venait de songer à quelque-chose à quoi pourtant elle savait très bien qu'elle devait absolument éviter de penser, car ça la rendait toujours un peu triste. La joie qu'elle avait éprouvée pendant son jeu avait disparue, balayée par le courant d'air de la mélancolie... elle était devenue particulièrement calme, particulièrement pensive, lorsqu'elle se fit rouler sur le ventre, le regard perdu dans le vague, les pattes-avants croisées. Et le pire, c'était qu'elle savait que maintenant qu'elle y avait pensée, il serait très difficile pour elle de passer à autre-chose. Même si son compagnon deux-pattes évitait généralement d'aborder ce sujet-là avec elle, la chasseuse pourpre était au courant de tout ce qui était arrivée, sur les terres de l'Alagaësia, ces derniers temps... elle savait qu'elle était peut-être la dernière membre de sa race libre à travers le monde, elle savait que tous les autres avaient été exterminés, ou peut être emprisonnée, par les parjures, ainsi que par leur roi fou, ce briseur d'oeufs du nom de Galbatorix... oui, je sais, "Briseur d'oeufs", ça fait un peu ridicule, mais chez les dragons, c'est une insulte très grave. Rien à penser à lui, la jeune femelle sentait monter en elle une bouffée de colère, qui lui fit griffer la surface de la plage, creusant de profonds sillons dans le sable, comme si elle cherchait ainsi à vider le trop-plein de rage qui pesé sur son âme, avant qu'elle ne pète les plombs et ne se mette à casser quelque-chose...
C'est alors que quelque-chose vint la tirer de ses tristes pensées... elle s'était retrouvée dans une telle situation d'énervement qu'elle en avait presque oubliée la présence d'Esbrouffe, autant dans le monde réelle que dans son esprit. Il lui parla, et sa voie douce eut pour effet de la calmer un peu. Il n'y avait pour elle rien de plus rassurant, ni de plus agréable, que la sensation qu'elle ressentait lorsque son dragonnier était près d'elle. Alors, légèrement apaisée, elle releva son museau vers-lui... il venait de lui demander pourquoi elle avait voulue que ce soit lui, sont dragonnier... ce qui eut pour effet de la déstabiliser un peu. Rexia se mit à réfléchir un petit moment, la tête penchée sur le côté, mais finalement, elle dût se rendre à l'évidence et lui avouer que...

Je ne sais pas, Esbrouffe, je t'avoues très sincèrement que j'ignore pourquoi je t'ai choisie. Il y a quelque-chose en toi, une force invisible, qui m'a donnée envie d'éclore dès la seconde où tu as posé la main sur mon oeuf... mais soit sûr d'une chose : si j'ai choisie d'éclore pour toi, c'est que tu le méritais. C'est plus qu'une simple magie qui t'as choisie pour devenir mon dragonnier : c'est le destin. Et crois-moi, je ne t'ai pas choisie par hasard : j'ai passé deux-cents-cinquante ans dans cet oeuf, et j'ai ressentie de nombreux esprits, ce n'était pas pour éclore au premier un peu puissant que je ressentait... le tiens est différents des autres, et crois-moi, tu es destiné à de grandes choses, que je sois à tes côtés, ou pas. Nous sommes liés, se demander pourquoi ne sert pour le moment à rien, car ni toi, ni moi ne pouvons répondre à cette question. Nous ne pouvons qu'espérer qu'un jour, quelqu'un le pourra

La dragonne aux écailles de rubis espérait que ça réponse, bien que pas très éclairante, aura pue apporter quelque-chose à son ami. En attendant, elle avait elle-aussi une question, car elle n'avait pas encore oubliée ce qui la tourmenté...

Dit, Esbrouffe, tu crois vraiment que mis à par moi, les derniers dragons sont ceux des traîtres parjures ?

A mesure qu'il s'approchait de sa dragonne, Esbrouffe ressentait de plus en plus clairement son esprit toucher le sien, comme s'il distinguait mieux ses pensées, ses doutes, ses craintes. Même la voix de Rexia, qui retentissait dans sa tête quand elle voulait communiquer avec lui, semblait plus forte, plus nette, alors qu'elle pouvait parfois sembler assez lointaine. Le dragonnier n'avait pas fini de s'émerveiller en constatant l'évolution du lien qui l'unissait à sa dragonne. Il y a quelques moins, il n'était même pas capable de savoir ce qui lui passait par la tête, et aujourd'hui, même s'il ne pouvait pas encore savoir précisément où était ses pensées, il pouvait ressentir son état d'esprit comme si c'était le sien, et ainsi savoir sans aucun doute possible si elle était enthousiaste, triste, pensive ou amusée par ce qui l'entourait.

Arrivé près d'elle, Esbrouffe s'accroupit devant la jeune dragonne et passa délicatement sa main le long des écailles de son cou. Il ressenti alors un brusque changement dans l'humeur de sa dragonne, et il pu le voir à la fois dans ses yeux et dans son coeur. Ses pensées glissaient vers le passé, vers quelque chose de sombre, mais quoi ? Le dragonnier essaya de se concentrer, pour mieux voir à quoi Rexia pensait, mais rien ne semblait bien distinct, tout était comme enveloppé par un voile de ténèbres. La dragonne lui bloquait-elle volontairement l'accès à son esprit, ou n'était-il pas encore assez fort pour remonter à des choses qu'il ne connaissait pas ?
Les griffes de Rexia s'enfoncèrent dans le sable, et Esbrouffe la regardait d'un air inquiet.
"Eh... Je ne sais pas trop à quoi tu peux bien penser, mais regarde autour de toi, ouvre tes yeux... On est rien que tous les deux, personne ne viendra nous faire de mal ici."

Même si ses paroles n'avaient que peu de sens, ses pensées étaient remplies d'images pleines d'affection, qui semblèrent avoir l'effet voulu sur l'esprit de la dragonne, et le nuage de tumultes qui avait envahi son coeur sembla se disperser peu à peu.
La voix de Rexia résonna soudain dans son esprit, et Esbrouffe ferma les yeux pour écouter la réponse de sa dragonne. Comme il s'en doutait, la magie qui les avait réunis n'obéissait à aucune logique particulière, c'était une pulsion forte et incontrôlable, comme celle qui l'avait poussé à s'approcher de cette plage où ils s'étaient rencontrés.
"J'espère juste que je saurais me montrer digne de toi et de tout ce que tu m'apportes, de tout ce que tu pourras apporter au monde."

Esbrouffe se concentra à nouveau sur l'esprit de Rexia, et cette fois ci son esprit semblait focalisé sur une chose plus précise. Il distingua une forme noire, ressemblait à un dragon, et une silhouette perchée sur son dos. Un dragonnier ? L'esprit de la dragonne apportait à ce tableau une connotation péjorative, si bien que sans qu'elle ait commencé à lui parler, Esbrouffe avait compris à quoi elle pensait. Les parjures... Et sa voix vint confirmer ce qu'il avait décelé du lien qui les unissait.
"Tu dois en savoir plus que moi sur ce sujet. Sur l'île où j'ai grandi, ces histoires à propos de dragonniers maléfiques étaient racontées comme des légendes pour faire peur aux enfants, ou pour faire réfléchir les plus grands. On dit qu'ils ont tué tous les autres dragons, et emporté tous les oeufs qu'ils ont trouvés... Mais si c'était vrai, tu ne serais pas là avec moi. Tu dois te sentir un petit peu seule, mais je suis sûr qu'il y a d'autres dragons qui ont échappé à leur emprise, et qui se rallieront sous la bannière de la liberté pour prendre leur revanche sur les parjures. En tout cas, je ne laisserais jamais personne te faire du mal, et pour ce que ça vaut, si un des sbires de Galbatorix veut s'en prendre à toi, il devra d'abord me passer sur le corps."
Le dragonnier esquissa un sourire qui se voulait rassurant, et admira le reflet de la lune sur les écailles mouillées de Rexia.

Esbrouffe se mit à passer une de ses mains, qui s'apparentaient aux yeux de Rexia comme de grosses et d'étranges araignées à cinq pattes... oui, je sais, vachement agréable, comme image, mais elle était encore jeune et tentait toujours de comprendre le monde qui m'entourait en comparant les choses entre-elles... sur les écailles rugueuses de son long cou de serpent. La dragonne ferma les yeux, afin de mieux profiter de ce moment présent, et sa gorge se remit à vibrer, mais ce ne fut pas un nouveau grognement qui en sortit, mais un puissant ronronnement, qui naissait du fait que le "massage" que lui faisait son dragonnier faisait du bien à la bête. Si ses simples parole avaient suffis pour la calmer un peu, les caresses aidaient à la détendre complètement. Le deux-pattes avaient très-bien compris que quelque-chose trottait dans la tête de son âme-jumelle, quelque-chose de désagréable, quelque-chose qui la faisait souffrir intérieurement et qui l'énervait au plus haut point... au font, il avait simplement suffis d'observer son comportement, et pas seulement de se retrouver en partie dans sa tête, pour comprendre une telle chose... et il avait su très bien réagir pour empêcher l'explosion de colère d'une future cracheuse de feu, autant avec ses gestes qu'avec ses paroles, et avec d'agréables images qu'ils lui envoyaient par l'esprit, lui rappelant qu'elle était seule, sur cette plage, avec uniquement à ses cotés l'être le plus précieux à son coeur, celui qu'elle aimait le plus... le seul qu'elle aimait, à ce moment-là de sa vie... et à qui elle faisait confiance. Ici, à ce moment-là, personne ne viendrait lui faire du mal, elle pouvait se confier sans crainte.
La réponse que donna Rexia ne sembla pas forcément satisfaire le marin, ce qu'elle comprenait parfaitement, car elle savait très bien qu'elle n'était pas empli de beaucoup de lumière... mais hélas, c'était tout ce qu'elle avait à lui dire à ce sujet, et il le comprit très bien, car il n'insista pas, se contentant de dire qu'il espérait qu'il serait digne d'elle, digne de sa puissance et de son pouvoir...

Je suis sûre que tu en seras digne

Lui répondit-elle, en tournant dans sa direction ses deux grands yeux ambrés et brillant, deux grands yeux dans lesquels brillait la détermination, l'assurance de ce qu'elle lui disait

Et si tu ne fais pas confiance en tes propres capacités, fait au moins confiance en mon jugement, car à travers l'histoire, très peu de dragon se sont trompés sur le choix de leur dragonnier...

Elle se retint à ce moment-là d'ajouter, afin de ne pas ressentir une nouvelle bouffée de colère "excepté, bien-sûr, les dragons-parjures".

La réponse de son dragonnier à la question qu'elle venait de lui poser ne se fit pas attendre... hélas, contrairement à ce qu'elle avait espérée, il n'avait pas plus de connaissance qu'elle sur la destinée de sa propre espèce. Il avait même pensé que elle, elle aurait les réponses à ses propres questions... mais malheureusement, l'instinct de Rexia était incapable de lui dire si il y avait, près ou loin d'elle, d'autres dragons, qu'il s'agisse des briseurs de serment, de dragons libres ou encore d'oeufs. Cependant, sous les encouragements d'Esbrouffe, elle trouva la force de ne pas perdre espoir... il avait raison ! Si elle, elle avait eue la chance d’échapper aux parjures, même si c'était à cause du grand malheur causé par la mort de ses géniteurs, il était possible que d'autres aient eux autant de chance qu'elle. Et, après la promesse que lui fit le bipède de toujours veiller sur elle, de toujours la protéger, Rexia fut incapable de se retenir... elle se jeta sur lui, collant le haut de son museau contre sa poitrine, dans une longue étreinte, une étreinte affectueuse, symbolisant l'amour qu'elle pouvait porter à son âme-jumelle. Une unique larme coula de son oeil droit, et s'arrêta sur la tache de naissance qu'elle avait sous l'oeil, trois petites écailles vertes qu'elle aimait beaucoup, car elles étaient pour elle l'unique souvenir qu'elle gardait de sa mère, qui avait sacrifier sa vie pour qu'elle puisse vivre la sienne... sa mère qu'elle voyait comme une dragonne verte.
Au bout d'un moment, la femelle finit par décoller sa tête du tee-shirt de son dragonnier, redressant la tête, mais gardant le museau tristement baissé. Elle prit alors une poignée de sable au creux de sa patte et l'observa, comme si elle voyait quelque-chose de passionnant dedans...

Merci, Esbrouffe...

Lui dit-elle

... merci pour tout-ça. Et soit sûr d'une chose : je serais moi aussi toujours présente pour te protêger. Maintenant, dit-moi : que compte tu faire ? Nous pouvons toujours fuir, vivre une petite vie tranquille de notre coté, échappé ainsi à la guerre, à la peine, et à Galbatorix... ou alors nous pouvons nous battre. Je te suivrais, mon petit-homme, quelque-soit le chemin que tu choisiras de prendre. Mais si tu veux mon opinion, moi, je choisies...

Elle ne termina pas sa phrase, songeant que le geste serait plus compréhensibles que les mots : elle se contenta d'écraser la sable dans sa patte, illustrant ainsi le fait qu'elle était prête à se battre, se battre pour gagner leur liberté, et surtout se battre pour connaitre la vérité sur les siens...

Esbrouffe sentait que Rexia était profondément remontée contre les parjures, et comment ne pas l'être ? Eux qui avaient été de braves et fiers dragonniers, qui s'étaient battus au nom de la justice, comment avaient-ils pu céder à cette folie ? Comment avaient-ils pu se laisser entraîner si loin des légendes glorieuses que l'on racontaient sur eux avant leur brusque trahison. Le jeune dragonnier savait qu'il ne faisait pas le poids face à eux, du moins pour l'instant, mais il aurait tout donner pour réparer les injustices qu'ils avaient commis, pour venger la race de Rexia. Cela ne redonnerait pas la vie à tous ceux qu'ils avaient massacrés sans pitié, mais cela apaiserait au moins les coeurs des proches des nombreuses victimes de la barbarie dont ils avaient pu faire preuve.
Avec sa Rexia à ses côtés, il trouverait la force de se dresser, au nom de la liberté, contre l'Empire tout entier. Ils n'avaient besoin que de temps pour s'entrainer, pour grandir et partager toujours plus de choses ensembles. Lorsque leur lien serait assez fort, rien ne pourrait plus les arrêter, pas même le tyran lui même, Esbrouffe en était convaincu. Leur cause était noble, juste. Ils étaient du bon côté, et le désir de liberté d'un peuple entier triomphait toujours sur l'oppression.

"Rexia..."
Les émotions qu'elle ressentait semblaient surgir de nulle part et entourer le dragonnier. Il les sentaient, à la fois proches de lui comme si elles venaient droit de son coeur, mais séparées par une sorte de barrière qui lui rappelait qu'elles émanaient de la dragonne.
Alors qu'elle s'approcha soudain de lui, Esbrouffe pris délicatement la tête de Rexia entre ses bras. Il ne fut pas surpris, car une seconde avant son mouvement, il avait pu sentir dans son esprit un changement d'attitude, passant de la colère à l'affection qu'elle lui portait. Le dragonnier était tellement heureux de lui plaire, de lui correspondre. Elle était unique, et il ne savait pas toujours comment réagir face à un être d'une puissance qui dépassait son entendement, mais Rexia avait un grand coeur, quelque chose qu'il pouvait comprendre car cela pouvait exister aussi chez certains humains.

Esbrouffe ferma les yeux quelques secondes pour mieux profiter de ce moment que la dragonne lui offrait, et au moment où elle s'éloigna, il entendit sa voix dans sa tête. Elle semblait triste, et avide de justice. Mais à présent, ils étaient ensembles, et ce qu'ils n'auraient jamais pu envisager l'un sans l'autre devenait possible dans leur rêves les plus fous. Ils n'avaient maintenant plus qu'à se donner les moyens de les réaliser.
"Pour l'instant tu es encore jeune, et je ne suis pas la moitié de ce qu'un vrai dragonnier devrait être. Je ne veux pas te mettre en danger, je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose. Tant que je ne serais pas assez fort pour te défendre, je préférerais qu'on évite de nous laisser aveugler par la vengeance. Mais dès que nous aurons entre nos mains la puissance nécessaire pour frapper l'empire, je te promets que je mettrais tous mes efforts, et jusqu'au moindre souffle de vie qu'il me restera, dans ton combat, notre combat, et nous libérerons tous les peuples de l’oppression, ou nous mourrons ensemble en essayant. Galbatorix et ses parjures apprendront à se méfier de nous..."

Rexia se sentait vraiment beaucoup mieux, elle se sentait apaisée... pas autant que tout à l'heure, lorsqu'elle était sortie de l'eau salée de la mer et avait taquinée son précieux dragonnier en l’aspergeant des gouttelettes qui lui tombaient encore sur le dos, mais elle se sentait déjà bien mieux que lorsqu'elle s'était mise en colère en repensant à ce que les Parjures et le roi briseur de serment avaient osés faire subir à une espèce aussi noble et aussi puissante que la sienne. Le moment privilégier qu'elle venait d'avoir avec Esbrouffe, la douce étreinte qu'ils venaient tous les deux de se partager, les paroles rassurantes avec lesquelles il avait emplis son esprit, et aussi le geste qu'elle venait de faire, écrasant le sable et déversant toute sa colère dans ce geste, afin de lui montrer qu'elle était désormais prête à entrer dans la mortelle et longue danse que formait la guerre... tous cela semblait avoir retiré de son âme les pensés négatives, pour ne laisser que le calme, et un peu de vide, en elle, le genre de vide qui restait après que l'on ait laissé éclater sa rage, un vide qui donnait l'impression que sa vie n'avait plus besoin d'être, car tout ce qu'elle avait fait jusqu'à aujourd'hui n'avait eu pour but que de la mener jusqu'à ce moment-là. Une sensation de vide pas très désagréable, mais qui n'était pas forcément une très bonne chose. Aussi, heureusement que ce vide était en grande partie comblé par la présence, autant physique que spirituelle, de l'âme-jumelle de la bête aux écailles de sang.
Esbrouffe reprit la parole, répondant à la question de sa petite dragonne... contrairement à ce que celle-ci avait espérée, le deux-pattes ne voulait pas se battre... ou du moins, si, il voulait lui aussi mener cette guerre, mais pas tout de suite. Il lui expliqua qu'elle était encore bien trop jeune pour se lancer dans une telle bataille, et que lui, il n'avait pas encore assez d'expérience en tant que dragonnier. Il disait tout cela pour la protéger, et elle savait qu'il avait parfaitement raison... alors elle accepta ce qu'il lui disait sans trop ronchonner, bien que la patience n'était pas la plus grande de toutes ses qualités. Et, lorsque son ami lui promit que lorsqu'ils seraient tous les deux assez puissants, qu'ils auraient appris à mieux communier, et qu'ils formeraient un véritable couple spirituel, comme les anciens membres déchus de la caste des dragonnier, ensembles, ils partiraient combattre les chevaucheurs de dragons et leurs montures déchus. Il lui promit que lorsqu'il aurait le pouvoir de vraiment la protéger... mmmhhh, vu qu'il restera toujours un petit et maigrichon humain, et que elle, elle deviendrais un jour une puissante prédatrice géante, elle songea que, sur le coup, ce serait plutôt elle qui le protégerais... ils partiraient accomplir la vengeance que rêvait aujourd'hui d'assouvir le lézard géant, et qu'ils se battraient jusqu'à la mort pour sauver tout peuple, toute espèce de la sombre tyrannie du perfide Galbatorix... Rexia était vraiment très reconnaissante envers son futur cavalier : il était prêt à tout risquer, pour elle, pour qu'elle puisse vivre heureuse, pour qu'elle puisse vivre en pensant qu'au moins, elle tentait tout pour venger ses ancêtres, pour prouver à la face de ce monde que ce n'était pas un fou, même avec un pouvoir qu'il croyait quasiment infinie, qui ferait s'éteindre l'éternelle race des dragons. Et, comme pour signer la pacte qu'ils venaient de conclure verbalement, l'écailleuse se redressa, bien campée sur ses quatre pattes, déplia ses larges ailes, qui se mirent à claquer sous le vent marin, comme les voiles pas assez tendues d'un navire, leva haut sa gueule ouverte et poussa un terrible et puissant rugissement à la face de ce monde encore nouveau, pour elle, qui fit s'envoler de peur les mouettes qui caquetaient sur la plage, non loin de là. Son hurlement terminé, elle baissa à nouveau ses deux yeux d'ambres en direction de son petit-homme, dans un regard où brillait la lueur de la gratitude, et lui dit deux simples mots, mais qui résumaient vraiment ce qu'elle ressentait à ce moment-là :

Merci, Esbrouffe...

Elle lui donna une longue lèche affectueuse sur la joue... une lèche affectueuse, mais quand-même bien baveuse et bien râpeuse... puis se recoucha tranquillement, tout près de lui. Un petit moment passa, durant lequel elle garda le silence, puis, songeant à cela, elle ajouta

Et pour commencer, nous devrions peut-être essayés de trouver le moyen de te fabriquer une selle. Je vais bientôt devenir assez grande et forte pour te porter sur mon dos, et je crains que tu te blesses, en essayant de me monter à vide, avec mes écailles tranchantes